Bill Murray et Scarlett Johansson. Focus Features

Gros plan sur le - joli - postérieur de Miss Scarlett Johansson : point de départ incongru d'un film atypique, magnétique qui évoque avec poésie, amertume et mélancolie le choc des cultures, la barrière du langage, le mal du pays, l'innocence du flirt et le décalage horaire (!).

Lost In Translation donc, où l'on découvre comment une jeune diplômée un peu paumée (délaissée par son photographe de mari), et une ex-star quinquagénaire désabusée (en pleine crise de couple) vont tromper la solitude le temps d'un séjour forcé à Tokyo. Ils feront connaissance à force de regards, de silences et de sorties nocturnes revigorantes... Grande est la performance de Sofia Coppola qui parvient à filmer l'ennui sans jamais provoquer celui du public. La jeune réalisatrice et scénariste (Oscar du meilleur scénario original) n'utilise aucun gros artifice de mise en scène et s'attarde sur des "détails" : Charlotte qui redécore sa chambre d'hôtel, qui se fait bobo à l'orteil, qui visite un temple shintoïste ou qui fixe du coin de la fenêtre, le regard perdu, l'immensité de la ville tokyoïte... Elle capture aussi quelques moments d'insouciance pétris d'humanité : une virée nocturne empreinte de folie douce où Bob pète une durite en slalomant entre voitures et passants, une partie de karaoké mémorable où un japonais revisite le God Save The Queen des Sex Pistols, une danse improvisée sur fond de Too Young (la BO du film est nickel) où Bob redécouvre les joies de la jeunnesse... Et ce fabuleux passage : la rencontre pittoresque entre Bill Murray et une japonaise octogénaire fashion-victim, à s'en exploser les zigomatiques !

Les dernières minutes du métrage sont exeptionnellement dignes : perdus dans la foule, les deux "errants" se croisent une dernière fois, s'embrassent pour une fois ; et Bob de glisser quelques mots à l'oreille de la jeune fille, des paroles que même le spectateur, cet odieux inquisiteur, ne pourra entendre ni même deviner. Il leur aura fallu attendre la toute fin du voyage pour connaître leur seul véritable instant d'intimité : on ne peut rêver dénouement plus sobre, plus noble aussi.

Et voilà... On se quitte, le coeur déchiré, un sourire au coin des lèvres et les larmes aux yeux. Ca passera, sûrement que ça passera. Qui sait si nous nous reverrons - on s'est bien trouvé à l'autre bout du monde - mais nous n'oublierons jamais une telle rencontre, aussi fugace qu'intense.